Georges Bizet (1838-1875)
Georges Bizet est issu d'une famille de musiciens, père et oncle chanteurs, mère pianiste qui l'initie à la musique et le fait rentrer au Conservatoire de Paris en piano, alors qu'il n'a que neuf ans. Le jeune Bizet gagne un premier prix de solfège six mois après son entrée au
Conservatoire, puis un premier prix de piano en 1852. En 1853, il entre dans la classe de composition de Fromental Halévy, auteur de nombreux opéras (dont il épousera la fille en 1869). Après avoir obtenu deux premiers prix en orgue et en fugue en 1855, Bizet compose
sa Première symphonie. Il obtient l'année suivante un premier prix d'opérette au concours présidé par Offenbach avec Le Docteur Miracle.
En 1857, à l'âge de dix-neuf ans, il remporte avec sa cantate Clovis et Clotilde le prix de
Rome de composition musicale, dont la récompense est un séjour de trois ans à la villa Médicis à Rome. Ce séjour en Italie loin de sa famille a une importance considérable dans la vie du jeune musicien, qui découvre le bonheur d'être libre, la beauté de Rome et les opéras de Verdi alors en pleine gloire. Ce séjour heureux lui permet de s’épanouir. Selon l'association Les Amis de Georges Bizet, « Le Bizet de Carmen est né en Italie. »
De retour à Paris en 1860 Bizet fréquente les grands compositeurs de son temps, ainsi
Offenbach, qui lui présente Rossini, mais également Liszt, sans oublier Gounod, rencontré au
Conservatoire dans sa jeunesse avec qui il correspond toujours et qui restera son mentor. Après avoir commencé puis abandonné plusieurs projets d'opéra, le jeune compositeur reçoit plusieurs commandes du Théâtre Lyrique pendant les années 1860 grâce au directeur Léon Carvalho : ainsi Les Pêcheurs de perles, et La jolie fille de Perth . Bizet écrit en parallèle plusieurs mélodies sur des poèmes de Lamartine ou de Hugo, ainsi que plusieurs pièces pianistiques et des transcriptions pour piano qui lui assurent la majeure partie de ses revenus. Il n’en abandonne pas pour autant le genre symphonique comme en témoignent la Marche funèbre (1868) et la Symphonie Roma, inspirée par son séjour romain.
Après s'être engagé dans la Garde Nationale lors de la guerre contre la Prusse en 1870,
Bizet sera nommé au poste de chef des chœurs de l'Opéra de Paris, qu'il abandonne pour être chef de chant à l'Opéra Comique. L'année 1872 voit la création de Djamileh à l'Opéra Comique, la suite orchestrale L'Arlésienne ainsi que les suites pour piano puis pour orchestre Jeux d'enfants.
À l'image d'un Rossini, Bizet imaginait une vie matérielle confortable, une « vie de rentier »,
grâce à quelques succès rapides à l'Opéra-Comique qui ne se produisirent jamais. Les Pêcheurs de perles, La Jolie Fille de Perth, Djamileh, L'Arlésienne n'ont pas été de grands succès. Sa vie a été dévorée par les travaux alimentaires pour les éditeurs et par les leçons de piano. « Je travaille à me crever... », écrit-il dans ses lettres. Sa vie familiale n'est pas plus heureuse. Il ne peut pas partager ses difficultés et ses soucis avec sa jeune épouse Geneviève, coquette et nerveusement fragile, qui, en riposte à ses infidélités, le quittera, emmenant avec elle son fils né en 1872.
En 1875 Bizet est décoré de la Légion d'honneur le jour de la création de Carmen à l'Opéra
Comique en mars 1875, représentation qui fut un désastre. Contrairement à la critique qui fut féroce, de grands compositeurs, Saint-Saëns, Brahms ou encore Tchaïkovski, l'ont défendu avant que Carmen ne soit plébiscité par le public, érigeant Bizet comme l'une des figures dominantes de l'opéra français du XIXe siècle. Bizet, mort brutalement d’un infarctus à 36 ans, laisse une œuvre considérable, opéras, musique symphonique, musique pour piano, mélodies, arrangements et musique chorale dont le Te Deum apparait comme l’œuvre majeure.
José Maurício Nunes Garcia (1767-1830)
Métis d'origine modeste, José Maurício Nunes Garcia, fils de deux esclaves affranchis, perdit son père à l’âge de 6 ans et fut élevé par sa mère qui, percevant ses talents de musicien, aurait demandé à Salvador José de Almeida e Faria, musicien originaire du Minas Gerais et ami de la famille, de l'initier à la musique. Ainsi, il aurait été enfant de chœur à la cathédrale de Rio de Janeiro, où il aurait appris le clavecin, l'orgue, le solfège, le chant grégorien et le latin. Musicien précoce, il donnait déjà des leçons de musique à l'âge de douze ans, et composa sa première œuvre en 1783, à l'âge de 16 ans.
En 1792 il fut ordonné prêtre, non sans difficultés en raison de sa couleur de peau et de ses origines modestes. En juillet 1798, Nunes Garcia succéda au chanoine Lopes Ferreira au poste de maître de chapelle de la cathédrale de Rio de Janeiro. Sa fonction impliquait la composition de pièces commandées par le Sénat pour les fêtes liturgiques ainsi que les mariages et les naissances de la famille royale. Une des premières œuvres qui lui furent
commandées fut le Te Deum, action de grâce pour la naissance du prince Dom Pedro en 1798.
En 1808, à l'arrivée de la famille Royale Portugaise à Rio de Janeiro qui bouleversa le panorama artistique de la ville, Nunes Garcia obtint les faveurs du prince régent Jean VI de Portugal, grand amateur de musique. Malgré l'opposition des prêtres portugais, qui reprochaient à Nunes Garcia son "défaut physique visible", en clair son métissage, Jean VI le nomma maître de la Chapelle Royale, créée sous le modèle de celle de la cour à Lisbonne.
À partir de 1809, l'arrivée de musiciens portugais à la Chapelle Royale fit évoluer le style de Nunes Garcia, mais marqua également le début d'une nouvelle vague de protestations à son encontre en raison de ses origines métisses. Nunes Garcia bénéficiait cependant du soutien indéfectible du prince régent qui, en février 1809, enthousiasmé par sa musique lors d'un concert à la résidence de la famille impériale, le fit sur le champ chevalier de l'Ordre du Christ, à la grande indignation des membres de la cour. En 1811 Jean VI fut contraint par le Sénat et la cour de le remplacer à la tête de la Chapelle Royale par Marcos Antonio de Fonseca, compositeur et organiste arrivé du Portugal, mais en 1814, pour marquer son soutien, il lui alloua une pension annuelle de vingt-cinq mille réis.
La grave crise financière et l'appauvrissement de la vie culturelle brésilienne, après le retour de Jean VI au Portugal en 1821 et l'indépendance du Brésil en 1822, ralentirent la production musicale de Nunes Garcia, déjà affaibli par la maladie. Ayant perdu ses rentes après le départ de Jean VI, Nunes Garcia vécut ses dernières années dans un grand dénuement. Le 18 avril 1830, en présence de son fils et d'un esclave, il rendit son dernier soupir en murmurant un hymne à la Vierge.
Maurício Nunes Garcia fut considéré par ses contemporains comme un organiste hors pair et un excellent improvisateur. Sa première période de créativité, (qui prend fin avec l'arrivée de la cour royale du Portugal) se définit par une mélodie raffinée et élégante à la manière de Haydn et Mozart dont l'influence se révèle surtout dans l'accompagnement, alors que les ornementations excessives représentatives du courant européen de l'époque et importées par Marcos Portugal sont très controversées. Il a ensuite été influencé par de nombreux compositeurs du Baroque Mineiro (de la province brésilienne du Minas Gerais). Il est l'un des premiers compositeurs à introduire de la musique populaire (les modinhas) dans ses compositions religieuses et profanes, comme le fera Villa- Lobos plus d'un siècle plus tard.
La grande majorité des 237 compositions de Nunes Garcia qui lui ont survécu sont des œuvres de musique sacrée, mais on déplore la perte de 171 œuvres dont on ne connait que le titre. Le Requiem fut commandé par le roi Jean VI en 1816, en hommage à la reine Marie Ire de Portugal, décédée brutalement. Cette œuvre, l’une des plus importantes écrites par Nunes Garcia, évoque parfois le Requiem de Mozart, pour lequel le compositeur avait une grande admiration et dont il dirigea les premières exécutions au Brésil.